Les résultats
Note de synthèse (Français)
Introduction
Face à l’urgence climatique, réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) est un défi mondial. Parmi les solutions, l’utilisation des produits bois présente un fort potentiel. En remplaçant des matériaux ou des énergies fossiles, le bois peut limiter les émissions tout en répondant à des besoins variés, comme le chauffage ou l’utilisation industrielle.
Le projet STREISAND a exploré ces opportunités en s’intéressant à l’impact global de l’utilisation accrue du bois. Il vise à mieux comprendre les conséquences environnementales et socio-économiques de ce choix, en fournissant des outils pour guider les décideurs dans leurs politiques publiques.
Contexte et objectifs
Le principe de substitution carbone repose sur l'idée que remplacer un produit ou une énergie fossile par un produit bois peut offrir un service équivalent avec un impact environnemental réduit sur l’ensemble de son cycle de vie. Cependant, ces substitutions ne sont pas sans effets secondaires, notamment en termes de gestion des forêts, de changements dans l’utilisation des terres ou encore de comportements des consommateurs.
L’objectif principal de STREISAND était donc de fournir des réponses à ces questions en :
Mesurant les effets directs et indirects des usages du bois, notamment à travers des scénarios de chauffage au bois-énergie.
Évaluant les impacts environnementaux des produits bois, en intégrant les dynamiques forestières et les comportements des consommateurs.
Proposant des solutions durables pour maximiser les bénéfices du bois tout en évitant des effets secondaires négatifs comme une surexploitation des forêts ou des changements d’usage des sols.
Méthodologie
Pour répondre à ces questions complexes, le projet a adopté une approche interdisciplinaire. Les recherches ont combiné plusieurs outils et méthodes, comme la modélisation économique, les études sur la gestion forestière et l’analyse comportementale. Une attention particulière a été accordée à deux dimensions :
La dynamique forestière : Étudier comment l’intensification de l’exploitation forestière affecte les stocks de carbone, les écosystèmes et le temps nécessaire pour "rembourser" la dette carbone générée par les prélèvements.
L’effet rebond : Observer comment un produit perçu comme écologique, comme le chauffage au bois, peut encourager une consommation accrue d’énergie ou d’autres biens et services, annulant partiellement ses bénéfices environnementaux.
L’analyse du cycle de vie (ACV) a permis de quantifier les impacts environnementaux globaux de différents scénarios, en intégrant les effets comportementaux et les impacts biophysiques des choix forestiers.
Résultats clés
1. Réduction des émissions de GES grâce au bois
Les produits bois, notamment pour le chauffage domestique, offrent une alternative intéressante aux énergies fossiles. L’utilisation de bois-énergie peut, dans certain conditions, réduire les émissions de CO₂, tout en étant compatible avec des stratégies globales de décarbonation.
Cependant, les bénéfices environnementaux ne sont pas automatiques. Ils dépendent largement des pratiques de gestion forestière et des comportements des consommateurs. Par exemple, un prélèvement excessif dans les forêts peut entraîner une hausse des émissions à court terme, avant que les arbres replantés ne séquestrent à nouveau du carbone.
2. Importance des forêts déjà gérées
L'étude souligne que l'intensification de l'utilisation des forêts déjà gérées est plus efficace pour réduire les émissions que l'exploitation de forêts abandonnées depuis longtemps. En particulier, certaines essences comme le chêne vert ou le charme se prêtent mieux à une exploitation accrue sans compromettre les objectifs climatiques.
3. Effet rebond et comportements des consommateurs
Un des principaux défis identifiés est l’effet rebond. Ce phénomène se produit lorsque les économies générées par un produit plus écologique (comme le bois-énergie) poussent à une augmentation de la consommation. Par exemple :
Les ménages peuvent augmenter leur utilisation du chauffage au bois parce qu'ils pensent qu'il est moins polluant, ou ils peuvent estimer qu'il est moralement acceptable d'adopter des modes de consommation plus polluants dans d'autres secteurs,
Les économies financières réalisées peuvent être réinvesties dans des biens ou services à forte empreinte écologique, annulant une partie des bénéfices initiaux.
Les recherches menées montrent que ce phénomène est particulièrement marqué lorsque les choix écologiques sont perçus comme imposés (par exemple, un chauffage installé dans un logement loué). En revanche, lorsqu’ils résultent d’une décision volontaire, les consommateurs ont tendance à agir de manière plus cohérente avec leurs valeurs environnementales.
4. Conservation des forêts primaires et gestion mondiale
À l’échelle internationale, l’augmentation de la demande en produits bois peut entraîner une déforestation accrue dans certaines régions riches en forêts primaires, comme l’Amazonie ou l’Asie du Sud-Est. Ces forêts, qui jouent un rôle clé dans la régulation du climat et la préservation de la biodiversité, sont particulièrement vulnérables face à des coûts de conversion faibles.
Les politiques visant à promouvoir le bois doivent donc intégrer ces risques et éviter de déplacer la pression sur les ressources forestières mondiales. Par exemple, protéger les forêts primaires nécessite des mesures complémentaires pour garantir que la demande en bois soit satisfaite de manière durable.
5. Substituer le gaz naturel par le bois
L’étude d’un scénario de substitution du chauffage au gaz par le bois a montré des bénéfices environnementaux clairs, notamment en termes de réduction des émissions de CO₂. Toutefois, ces gains peuvent être limités, voire annulés intégralement, par des effets indirects tels que les effets rebonds ou la perte de stock de carbone dans les forêts.
Recommandations
Pour maximiser les avantages environnementaux et minimiser les risques, plusieurs recommandations émergent des travaux du projet :
Promouvoir une gestion forestière durable : L’exploitation des forêts déjà gérées offre le meilleur compromis pour répondre à la demande en bois tout en limitant les impacts négatifs sur les écosystèmes.
Éduquer et sensibiliser les consommateurs : Informer sur les risques liés à une consommation excessive ou mal orientée est essentiel pour éviter des comportements contre-productifs.
Prendre en compte les interactions globales : Les politiques nationales doivent considérer les dynamiques internationales pour éviter de transférer les pressions écologiques à d’autres régions.
Favoriser des analyses environnementales complètes : Les outils comme l’ACV conséquentielle permettent de mieux comprendre les impacts à long terme des politiques publiques et d’orienter les choix vers des solutions réellement durables.
Conclusion
Le projet STREISAND met en lumière le potentiel des produits bois dans la transition écologique, tout en soulignant les défis associés. Une utilisation accrue du bois peut contribuer à réduire les émissions de GES, mais nécessite une approche équilibrée, intégrant des politiques forestières durables, des stratégies globales et une sensibilisation accrue des consommateurs.
En optimisant la gestion des forêts et en tenant compte des dynamiques comportementales et économiques, le bois peut devenir un levier essentiel pour atteindre les objectifs climatiques tout en préservant les écosystèmes.
Summary notes (English)
Introduction
In the face of the climate crisis, reducing greenhouse gas (GHG) emissions is a global challenge. Among the solutions, wood products hold significant potential. By replacing fossil-based materials or energy sources, wood can reduce emissions while addressing various needs, such as heating and industrial use.
The STREISAND project explored these opportunities by examining the overall impact of increased wood use. Its goal was to better understand the environmental and socio-economic consequences of this choice and provide tools to guide policymakers in shaping effective public policies.
Context and Objectives
The principle of carbon substitution is based on the idea that replacing a fossil-based product or energy source with a wood product can provide equivalent services with reduced environmental impact over its lifecycle. However, such substitutions are not without secondary effects, such as forest management challenges, land-use changes, and consumer behavior shifts.
The primary goal of STREISAND was to address these issues by:
Measuring the direct and indirect effects of wood use, particularly through scenarios involving wood-energy heating.
Assessing the environmental impacts of wood products, incorporating forest dynamics and consumer behaviors.
Proposing sustainable solutions to maximize the benefits of wood while avoiding negative side effects like overexploitation of forests or land-use changes.
Methodology
To tackle these complex questions, the project employed an interdisciplinary approach. It combined various tools and methods, including economic modeling, forest management studies, and behavioral analysis. Particular focus was given to two dimensions:
Forest dynamics: Examining how intensified forest harvesting affects carbon stocks, ecosystems, and the time required to "repay" the carbon debt generated by extractions.
Rebound effects: Investigating how a product perceived as eco-friendly, like wood heating, might encourage increased energy consumption or the purchase of other goods and services, partially negating its environmental benefits.
Lifecycle Assessment (LCA) was used to quantify the overall environmental impacts of different scenarios, integrating behavioral effects and the biophysical impacts of forest-related decisions.
Key Findings
1. GHG Emission Reductions Through Wood Use
Wood products, particularly for domestic heating, provide an attractive alternative to fossil fuels. Using wood-energy can, under certain conditions, reduce CO₂ emissions while aligning with broader decarbonization strategies.
However, environmental benefits are not automatic. They depend heavily on sustainable forest management practices and consumer behavior. For instance, excessive harvesting can lead to short-term increases in emissions before reforested areas sequester carbon again.
2. Importance of Managed Forests
The study highlights that intensifying the use of already managed forests is more effective in reducing emissions than harvesting long-term abandoned forests. Certain tree species, such as holm oak or hornbeam, are particularly well-suited to increased harvesting without compromising climate goals.
3. Rebound Effects and Consumer Behavior
One of the key challenges identified is the rebound effect. This occurs when cost savings from an eco-friendly product (like wood energy) lead to increased consumption. For example:
Households may increase their use of wood heating because they believe it is less polluting, or they may feel it is morally acceptable to engage in more polluting consumption patterns in other sectors,
Financial savings could be reinvested in goods or services with a high ecological footprint, offsetting some of the initial benefits.
The research shows that this phenomenon is particularly pronounced when eco-friendly choices are perceived as imposed (e.g., a heating system installed in a rental property). Conversely, when choices are voluntary, consumers tend to act more consistently with their environmental values.
4. Protecting Primary Forests and Global Management
On a global scale, increased demand for wood products can lead to greater deforestation in regions with abundant primary forests, such as the Amazon or Southeast Asia. These forests, vital for climate regulation and biodiversity preservation, are particularly vulnerable to conversion due to low conversion costs.
Policies promoting wood use must account for these risks and avoid shifting pressure onto global forest resources. For instance, protecting primary forests requires complementary measures to ensure sustainable wood production meets growing demand.
5. Replacing Natural Gas with Wood
The study of a scenario where natural gas heating is replaced with wood heating showed clear environmental benefits, particularly in reducing CO₂ emissions. However, these gains can be limited — or even entirely negated — by indirect effects, such as the rebound effects described above or losses in forest carbon stocks.
Recommendations
To maximize environmental benefits and minimize risks, the project suggests several recommendations:
Promote sustainable forest management: Utilizing already-managed forests offers the best compromise for meeting wood demand while limiting negative impacts on ecosystems.
Educate and engage consumers: Raising awareness about the risks of excessive or poorly oriented consumption is essential to prevent counterproductive behaviors.
Consider global interactions: National policies should account for international dynamics to avoid shifting ecological pressures to other regions.
Encourage comprehensive environmental analyses: Tools like consequential LCA help better understand the long-term impacts of public policies and guide decision-making toward truly sustainable solutions.
Conclusion
The STREISAND project highlights the potential of wood products in the ecological transition while addressing associated challenges. Increased wood use can help reduce GHG emissions but requires a balanced approach that integrates sustainable forest policies, global strategies, and heightened consumer awareness.
By optimizing forest management and considering behavioral and economic dynamics, wood can become a critical lever in achieving climate goals while preserving ecosystems.
Délivrables
Le projet STREISAND a produit les délivrables suivants. Les documents publics sont disponibles sous forme d'archives zip en cliquant sur le nom du work-package correspondant.
Lot 2 - Economie Comportamentamentale:
D2.1 Caractérisation des consommateurs de bois énergie
D2.2 Caractérisation des effets rebonds et compensation morale
D2.3 Evaluation de l’impact des normes sociales
Lot 3 - Modélisation macroéconomique de l’énergie:
D3.1 Elasticités de substitution entre biens énergétiques et élasticité prix croisée entre bois énergie et autres énergies
D3.2 Quantités d’énergie consommée après un choc technologique
Lot 4 - Modélisation économique du secteur forestier:
D4.1 Quantité de bois-énergie consommée avec effet rebond
D4.2 Niveaux de récoltes spatialisés au niveau de la région administrative
D4.3 Quantités de bois-énergie importée dans chaque région
D4.4 Rente forestière projetée pour chaque pixel (8km x 8km)
Lot 5 - Modélisation de la croissance forestière:
D5.1 Stocks et flux de carbone forestiers régionalisés
Lot 6 - Modélisation de l’utilisation des terres:
D6.1 Surfaces forestières en France à court, moyen et long termes pour les deux trajectoires
D6.2 Variations des surfaces par type d’usages des terres au niveau global, pour les deux trajectoires
Lot 7 - Analyse de Cycle de Vie conséquentielle des deux trajectoires:
D7.1 Méthode pour l’ACV conséquentielle des produits bois
D7.2 ACV intégrale, calcul de la substitution carbone des produits bois et des transferts d’impacts
Liste des publications
Hafkamp Ibanez, L., Mathex, S., Grolleau, G., Clot, S., (2024), “Écolo, oui mais : ces petits arrangements avec nos consciences”, The Conversation. https://theconversation.com/ecolo-oui-mais-ces-petits-arrangements-avec-nos-consciences-226835
Kanellos C. Anaïs, Rivière, Miguel, Brunelle Thierry, Shanafelt W David, (2025), “Accounting for land use changes in environmental impact assessments of wood products : a review.”, Under review in Forests.
Mathex, S., Hafkamp Ibanez, L., Préget, R., (2022), “Behavioral rebound effect and moral compensation: an online experiment.”, Association Française d’Économie Expérimentale (ASFEE). 30/06/2022, Lyon
Mathex, S., Hafkamp Ibanez, L., Préget, R., (2022), “Behavioral rebound effect and moral compensation: an online experiment.” Economic Science Association (ESA), 02/09/2022, Bologna
Mathex, S., Hafkamp Ibanez, L., Préget, R., (2023), “Distinguishing economic and moral compensation in the rebound effect: A theoretical and experimental approach.”, CEEM working paper 2023-04 (R&R Journal of Behavioral and Experimental Economics)
Mathex, S., Hafkamp Ibanez, L., Préget, R. (2023). “Behavioral rebound effect and moral compensation: an online experiment.”, French Association of Environmental and Ressource Economists (FAERE), 08/09/2023, Montpellier
Mathex, S., (2024), “L’effet de licence morale comme ressort de l’effet rebond : revue de littérature et pistes de réflexion”, Revue d'économie industrielle, pp.75-106.
Mathex, S., Hafkamp Ibanez, L., Préget, R., (2024), “Wood heating and moral licensing: a survey study. CEEM working paper 2024-13” (soumis pour publication, Energy Economics)
Mathex, S., (2024), “Anatomy of the rebound effects in residential heating : causes, impacts and mitigation interventions.” Work in Progress
Mathex, S., Hafkamp Ibanez, L., Préget, R., (2024). “Anatomy of the rebound effects in residential heating: causes, impacts and mitigation interventions.” Association Française d’Économie Expérimentale (ASFEE), 27/06/2024, Grenoble
Mathex, S., (2024) “Peut-on promouvoir le chauffage au bois au nom de l’environnement ?”, The Conversation. https://theconversation.com/peut-on-promouvoir-le-chauffage-au-bois-au-nom-de-lenvironnement-222828
Pereira Monica, (2024), “Revue de la littérature : Effet rebond”, (mémoire de M1 Université de Lorraine)
Vasconez A. Veronica, Pareira Monica, (2024), “Unraveling the Interplay of Substitution Elasticities and the Green Energy Rebound Effect.”, 3ème Conférence Annuelle de la Chaire RENEL 14/06/2024
Vasconez A. Veronica, Pareira Monica, (2024), “Unraveling the Interplay of Substitution Elasticities and the Green Energy Rebound Effect.”, Work in progress